解放军文职招聘考试Maintenant qu'il est bien
Maintenant qu'il est bien convenu que le caractère de Mathilde est impossible dans notre siècle, non moins prudent que vertueux, je crains moins d'irriter en continuant le récit des folies de cette aimable fille.)
Pendant toute la journée du lendemain elle épia les occasions de s'assurer de son triomphe sur sa folle passion. Son grand but fut de déplaire en tout à Julien; mais aucun de ses mouvements ne lui échappa.
Julien était trop malheureux et surtout trop agité pour deviner une manoeuvre de passion aussi compliquée, encore moins put-il voir tout ce qu'elle avait de favorable pour lui: il en fut la victime; jamais peut-être son malheur n'avait été aussi excessif. Ses actions étaient tellement peu sous la direction de son esprit, que si quelque philosophe chagrin lui e?t dit: ?Songez à profiter rapidement des dispositions qui vont vous être favorables; dans ce genre d'amour de tête, que l'on voit à Paris, la même manière d'être ne peut durer plus de deux jours?, il ne l'e?t pas compris. Mais quelque exalté qu'il f?t, Julien avait de l'honneur. Son premier devoir était la discrétion; il le comprit. Demander conseil, raconter son supplice au premier venu e?t été un bonheur comparable à celui du malheureux qui, traversant un désert enflammé, re?oit du ciel une goutte d'eau glacée. Il connut le péril, il craignit de répondre par un torrent de larmes à l'indiscret qui l'interrogerait; il s'enferma chez lui.
Il vit Mathilde se promener longtemps au jardin; quand enfin elle l'eut quitté, il y descendit; il s'approcha d'un rosier où elleavait pris une fleur.
La nuit était sombre, il put se livrer à tout son malheur sans craindre d'être vu. Il était évident pour lui que Mlle de La Mole aimait un de ces jeunes officiers avec qui elle venait de parler si gaiement. Elle l'avait aimé lui, mais elle avait connu son peu de mérite.
Et en effet, j'en ai bien peu! se disait Julien avec pleine conviction; je suis au total un être bien plat, bien vulgaire, bien ennuyeux pour les autres, bien insupportable à moimême. Il était mortellement dégo?té de toutes ses bonnes qualités, de toutes les choses qu'il avait aimées avec enthousiasme; et dans cet état d' imagination renversée, il entreprenait de juger la vie avec son imagination. Cette erreur est d'un homme supérieur.
Plusieurs fois l'idée du suicide s'offrit à lui; cette image était pleine de charmes, c'était comme un repos délicieux; c'était le verre d'eau glacée offert au misérable qui, dans le désert, meurt de soif et de chaleur.
Ma mort augmentera le mépris qu'elle a pour moi! s'écriat-il. Quel souvenir je laisserai!
Tombé dans ce dernier ab?me du malheur, un être humain n'a de ressources que le courage. Julien n'eut pas assez de génie pour se dire: Il faut oser; mais comme [Variante: le soir,] il regardait la fenêtre de la chambre de Mathilde, il vit à travers les persiennes qu'elle éteignait sa lumière: il se figurait cette chambre charmante qu'il avait vue, hélas! une fois en sa vie. Son imagination n'allait pas plus loin. Une heure sonna; entendre le son de la cloche et se dire: Je vais monter avec l'échelle, ne fut qu'un instant.
Ce fut l'éclair du génie, les bonnes raisons arrivèrent en foule. Puis-je être plus malheureux! se disait-il. Il courut à l'échelle, le jardinier l'avait encha?née. A l'aide du chien d'un de ses pistolets, qu'il brisa, Julien, animé dans ce moment d'une force surhumaine, tordit un des cha?nons de la cha?ne qui retenait l'échelle; il en fut ma?tre en peu de minutes, et la pla?a contre la fenêtre de Mathilde. Elle va se facher, m'accabler de mépris, qu'importe? Je lui donne un baiser, un dernier baiser, je monte chez moi et je me tue...; mes lèvres toucheront sa joue avant que de mourir!
Il volait en montant l'échelle, il frappe à la persienne; après quelques instants Mathilde l'entend, elle veut ouvrir la persienne, l'échelle s'y oppose: Julien se cramponne au crochet de fer destiné à tenir la persienne ouverte, et, au risque de se précipiter mille fois, donne une violente secousse à l'échelle et la déplace un peu. Mathilde peut ouvrir la persienne.
Il se jette dans la chambre plus mort que vif:
- C'est donc toi! dit-elle en se précipitant dans ses bras...Qui pourra décrire l'excès du bonheur de Julien? Celui de Mathilde fut presque égal.
Elle lui parlait contre elle-même, elle se dénon?ait à lui. - Punis-moi de mon orgueil atroce, lui disait-elle, en le serrant dans ses bras de fa?on à l'étouffer; tu es mon ma?tre, je suis ton esclave, il faut que je te demande pardon à genoux d'avoir voulu me révolter. Elle quittait ses bras pour tomber à ses pieds. Oui, tu es mon ma?tre, lui disait-elle encore ivre de bonheur et d'amour; règne à jamais sur moi, punis sévèrement ton esclave quand elle voudra se révolter.
Dans un autre moment, elle s'arrache de ses bras, allume la bougie, et Julien a toutes les peines du monde à l'empêcher de se couper tout un c?té de ses cheveux. - Je veux me rappeler, lui dit-elle, que je suis ta servante: si jamais un exécrable orgueil vient m'égarer, montre-moi ces cheveux et dis: Il n'est plus question d'amour, il ne s'agit pas de l'émotion que votre ame peut éprouver en ce moment, vous avez juré d'obéir, obéissez sur l'honneur. Mais il est plus sage de supprimer la description d'un tel degré d'égarement et de félicité.
La vertu de Julien fut égale à son bonheur.
- Il faut que je descende par l'échelle, dit-il à Mathilde,quand il vit l'aube du jour para?tre sur les cheminées lointaines du c?té de l'orient, au-delà des jardins. Le sacrifice que je m'impose est digne de vous, je me prive de quelques heures du plus étonnant bonheur qu'une ame humaine puisse go?ter, c'est un sacrifice que je fais à votre réputation: si vous connaissez mon coeur, vous comprenez la violence que je me fais. Serez-vous toujours pour moi ce que vous êtes en ce moment? Mais l'honneur parle, il suffit. Apprenez que, lors de notre première entrevue, tous les soup?ons n'ont pas été dirigés contre les voleurs. M. de La Mole a fait établir une garde dans le jardin. M. de Croisenois est environné d'espions, on sait ce qu'il fait chaque nuit...
A cette idée, Mathilde rit aux éclats. Sa mère et une femme de service furent éveillées; tout à coup on lui adressa la parole à travers la porte. Julien la regarda, elle palit en grondant la femme de chambre et ne daigna pas adresser la parole à sa mère.
- Mais si elles ont l'idée d'ouvrir la fenêtre, elles voient l'échelle! lui dit Julien.
Il la serra encore une fois dans ses bras, se jeta sur l'échelle et se laissa glisser plut?t qu'il ne descendit; en un moment il fut à terre.
Trois secondes après, l'échelle était sous l'allée de tilleuls, et l'honneur de Mathilde sauvé. Julien, revenu à lui, se trouva tout en sang et presque nu, il s'était blessé en se laissant glisser sans précaution.
L'excès du bonheur lui avait rendu toute l'énergie de son caractère: vingt hommes se fussent présentés, que les attaquer seul, en cet instant, n'e?t été qu'un plaisir de plus. Heureusement, sa vertu militaire ne fut pas mise à l'épreuve: il coucha l'échelle à sa place ordinaire; il repla?a la cha?ne qui la retenait; il n'oublia point de revenir effacer l'empreinte que l'échelle avait laissée dans la plate-bande de fleurs exotiques sous la fenêtre de Mathilde.
Comme, dans l'obscurité, il promenait sa main sur la terre molle pour s'assurer que l'empreinte était entièrement effacée, il sentit tomber quelque chose sur ses mains, c'était tout un c?té des cheveux de Mathilde, qu'elle avait coupé et qu'elle lui jetait.
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